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Charles Berling : « Je suis né dans un monde violent »

Il cite Jean Eustache – « Il faut que tout se sache » – et court se jeter dans la mer en slip kangourou blanc. Il n’a pas pensé à prendre un maillot de bain. Toulon. Enfin, à côté, La Seyne. Plage des Sablettes. Face au cap Sicié et aux Deux Frères, ces rochers qui pointent au large dans l’eau salée comme les deux dents d’un monstre marin. Quand il fait une chose, Charles Berling ne calcule pas : « Qu’il s’agisse de faire ou non un film parce que c’est du cinéma populaire ou au contraire l’œuvre d’un réalisateur intello, qu’il s’agisse de mon positionnement entre théâtre public et subventionné, ou encore de mes interventions politiques… je ne suis pas un stratège. »
Toulon, première ville de plus de 100 000 habitants à avoir été prise par le Front national entre 1995 et 2001. Charles Berling, enfant de la ville, y dirige depuis 2011 le théâtre Le Liberté, poussé par un maire de droite républicaine à la tête de cette Scène nationale à laquelle a été greffée, en 2019, la pinède de Châteauvallon, qui surplombe la rade, avec son mythique amphithéâtre de plein air. Si le raz-de-marée annoncé de l’extrême droite n’a pas submergé la France, il n’a pas épargné la rade. A Toulon, Laure Lavalette a ainsi été élue dès le premier tour. « Elle coche toutes les cases, fait remarquer le comédien-directeur-metteur en scène. Catho tradi, cinq enfants, porte-parole du Rassemblement national… Les gens de droite qui, ici, s’en méfiaient au début, ont commencé à dire : “Elle est plutôt symmpââ.” Mais elle veut la mairie. Et, vu ce que je dis sur elle dans les journaux, je doute que, si elle l’obtient, je reste longtemps… », s’inquiète celui qui ouvrait les portes de son théâtre aux immigrés pour l’association SOS Méditerranée, récoltant des manifs en retour.
On ne reste pas longtemps mouillé sur la plage balayée par le vent chaud. « Les Sablettes, c’est ce que j’aime ici : un lieu populaire, des gens pas très riches, mélangés, qui, comme nous quand j’étais enfant, viennent en famille. Le contraire du bling-bling. Toulon. C’est là d’où je viens, et j’y suis attaché. » Ce qui pourrait le rendre malade ? « L’idée qu’il n’y a pas d’universel possible, qu’à un moment donné on ne puisse plus communiquer. L’extrême droite a réussi à coller sur la culture cette image élitiste, qui s’en mettrait plein les poches et donnerait des injonctions au peuple. Les gens qui font du fric, eux, ne sont pas jugés élitistes, au contraire, on y voit un truc populaire… Toutes les valeurs sont retournées. Et les artistes de se taire, de peur de mettre de l’huile sur le feu. C’est ça, le fascisme, cette intimidation de la parole, de l’art, de la pensée. C’est dégueulasse. Et ça infuse, même chez La France insoumise. Les gens font du travail de terrain dans les quartiers et on les accuse de diffuser de la pensée bourgeoise… »
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